Comment favoriser une alimentation de qualité auprès des personnes en situation de précarité ?

Réalisé sous l'égide du GESRA, l'ouvrage collaboratif "Biovrac : des recettes pour bien manger" propose des repères nutritionnels ainsi que des recettes simples et peu coûteuses. Il a été réalisé dans le cadre d'un processus avec des bénéficiaires des épiceries sociales et solidaires de la région. Inscrit dans un contexte d'aide alimentaire, quel objectif poursuit-il ?
4 questions à Théa Salmon, chargée de projets en promotion de la santé du GESRA (Groupement des Epiceries Sociales et Solidaires Rhône-Alpes Auvergne).

A lire aussi :

• "Interculturalité, médiation, interprétariat et santé " : La santé en action n°442, décembre 2017.
• "Promouvoir la participation sociale des personnes âgées" : La santé en action n°443, mars 2018.
  

Le 12 mars 2018 a eu lieu une journée consacrées aux « Questions socialement vives » (QSV) en éducation santé-environnement, organisée par le GRAINE et l’IREPS Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre du Pôle Thématique Education Santé Environnement qu’ils coaniment.

Cette journée a rassemblé de nombreux acteurs éducatifs, des chercheurs, des professionnels des collectivités territoriales, professionnels de santé, etc. Les différents temps de cette journée ont donné lieu à de nombreuses réflexions et échanges. Qu’est-ce qui définit une QSV ? En quoi ces questions interrogent-elles les pratiques des éducateurs et quelle posture éducative pour les aborder ?

Qu’est qu’une Question Socialement vive ?

Une question socialement vive (QSV) est une question qui mobilise et qui divise, suscitant de nombreux débats et controverses (1). Les QSV sont « vives » dans au moins trois domaines :

• scientifique : elles ne font pas consensus entre chercheurs,
• social : elles sont relayées par les médias et font l’objet de débats sociétaux,
• didactique : leur complexité et le fait qu’elles n’ouvrent pas sur des savoirs scientifiques stabilisés mettent les éducateurs en difficulté (2).

De nombreuses QSV existent en santé-environnement, comme par exemple :
Une agriculture sans pesticides est-elle possible ? Faut-il interdire le Glyphosate ? Doit-on manger sans huile de palme ? Peut-on installer des antennes-relais à proximité des habitations ? Faut-il se passer de voitures en ville ? etc.

Quelle réponse collective aux QSV ?

Il n’y a pas une « bonne réponse » qui permettrait de clôturer une QSV, mais des pistes de réponses, toujours construites socialement, dans un contexte particulier (3). Ce sont des questions complexes et ouvertes, qui évoluent au cours du temps. Les décisions prises sur les QSV ne peuvent donc pas être uniquement fondées sur des savoirs scientifiques. Elles doivent aussi prendre en compte les implications sociales, les idéologies et les valeurs (1). Ainsi, la production de connaissances et de réponses sur les QSV relève d’une approche interdisciplinaire et intersectorielle associant scientifiques, citoyens, philosophes, professionnels, lanceurs d’alerte, etc. (4).

Aborder les QSV en collectif : quelle posture éducative ?

Les éducatrices et éducateurs ont un rôle d'apport de connaissances et peuvent donc être fragilisés lorsqu’ils abordent des savoirs qui ne font pas l’objet d’un consensus scientifique ou social. Ils visent également pour leurs publics la construction de valeurs, de compétences et de "dispositions" pour l’action (1). Comment favoriser les échanges et débats dans un groupe autour de QSV en évitant les polémiques ? Comment prendre en compte la complexité de ces questions tout en permettant aux personnes de se positionner ?
Les QSV peuvent être l’occasion d’une éducation à la complexité, à la construction collective et à l’engagement. Plusieurs pistes peuvent alors être explorées par les éducatrices et éducateurs :

• Permettre aux personnes d’élargir leur regard sur la question en facilitant la prise de conscience de la diversité des points de vue et de la complexité de la question.
• Développer l’esprit critique. Il s’agit de s’extraire temporairement du « pour ou contre » et de décortiquer les différents arguments développés sur la question pour comprendre qu’ils sont socialement construits.
• Articuler connaissances et valeurs. S’il est important de rechercher la validité des arguments, il faut garder en tête que la science et les faits scientifiques sont eux-mêmes le fruit de constructions sociales. L’éducation aux médias et à la façon dont ils peuvent reconfigurer certaines controverses et « catalyser » certaines polémiques est également essentielle pour aborder les QSV.
• Favoriser la construction d’une opinion raisonnée à partir d’une compréhension nouvelle des arguments développés autour d’une QSV. Chacun peut ainsi construire son positionnement de manière argumentée et nuancée.

C’est à ces conditions que pourront se développer une prise de position en conscience ainsi que la construction collective de solutions, et la possibilité d’un engagement (1).

Aborder les QSV en collectif : quels outils ?

Lors de la journée du 12 mars 2018, de nombreux outils et supports pédagogiques permettant de soutenir cette posture éducative ont été présentés et expérimentés (carte de représentations des controverses, théâtre-forum, conférence gesticulée, etc.). La synthèse de cette journée et les ressources seront prochainement disponibles sur le site du Pôle Education Santé Environnement.

Le PÔLE THEMATIQUE "Education, santé et environnement" L’IREPS Auvergne-Rhône-Alpes et le Graine Auvergne-Rhône-Alpes coordonnent un pôle thématique pour favoriser la prise en compte des enjeux de santé environnement dans les pratiques éducatives. Ce pôle participe activement à la mise en oeuvre du Plan Régional Santé Environnement 3 et propose : des journées d’échanges pour les professionnels des accompagnements méthodologiques une lettre d'information mensuelle un site internet ressources : www.pole-ese-ara.org

1. Intervention d’Olivier Morin et échanges lors de la journée du 12 mars 2018.
2. Legardez et Simonneaux 2006.
3. Simonneaux et Pouliot 2017.
4. Les QSV sur le site internet de l’ENSFEA.