Interactions Santé - Octobre 2020
Le non-recours, le renoncement aux soins ou encore le non-accès aux dispositifs de prévention sont autant de manifestations des inégalités sociales et territoriales de santé. Ces constats font de l’accompagnement des publics les plus éloignés du système de santé un enjeu de santé publique et de promotion de la santé. De nombreux dispositifs visent à favoriser l’accès aux droits en santé des publics en situation de vulnérabilité : médiation par les pairs, médiation sociale, médiation sanitaire, interprétariat, médiation en santé. La médiation en santé tend à se développer dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans quel cadre ? Avec quels leviers d’actions ? Quels points de vigilance ?
Dans les encadrés verts, les partenaires et structures d'accueil de la médiation en santé ont répondu à la question suivante : " En deux mots, si vous deviez présenter la médiation santé, que diriez-vous qu'elle vous apporte ?"
La médiation en santé apparait dès les années 1980, avec l’émergence des « habitantes-relais », bénévoles dans les quartiers de la politique de la ville, en particulier dans l’agglomération lyonnaise. Celles-ci se professionnalisent, par le biais des contrats « adultes-relais » financés par l’Etat.Dans les années 1990, la médiation en santé se développe également à travers des partenariats expérimentaux entre des associations et la Direction Générale de la Santé pour gérer des problèmes de santé publique spécifiques à certaines populations : VIH, migrants, Roms, etc.En 1994, l’association PoPS expérimente sur Grenoble la médiation en santé avec des personnes en situation de précarité. En 2002, une charte est élaborée à la demande de la DDASS de l’Isère, puis un guide est rédigé en 2015 afin de partager 20 ans d’expérience de médiation en santé.Dans le même temps, la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 donne un cadre de référence et une définition de la médiation en santé.En octobre 2017, la Haute Autorité de Santé rédige un référentiel de compétences de la médiation en santé qui définit aujourd’hui le cadre d’intervention des acteurs.
Une démarche de médiation en santé est constituée de diverses actions complémentaires :
Elle s’appuie sur les principes de « aller vers » et de « faire avec ». « Aller vers » car il s’agit d’aller à la rencontre des habitants dans leurs lieux de vie, en porte-à-porte, voire à domicile, pour rencontrer les « invisibles », répondre au besoin d’écoute, faciliter la relation de confiance.Le « aller vers » concerne également les professionnels de la santé et du social, pour leur permettre d’avoir une meilleure connaissance des situations de vulnérabilité des usagers. La notion de « faire avec » a toute son importance, pour assurer l’autonomisation de la personne et éviter les ruptures de parcours. Le médiateur en santé ne se substitue pas aux professionnels de santé et de l’action sociale, ni ne pallie leur absence sur un territoire. Il intervient en complémentarité des acteurs sanitaires et sociaux du territoire, dans une fonction d’interface avec les usagers, pour garantir la fluidité de leur parcours de santé et faciliter la coordination des intervenants.
La promotion des dispositifs de médiation en santé figure dans le PRAPS 2018-2023 Auvergne-Rhône-Alpes, en particulier sous l’objectif Améliorer l’accès au « droit commun » des personnes les plus démunies.En 2015 puis en 2016, l’Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes lance des appels à projets pour la création de postes de médiateurs en santé dans les quartiers en politique de la ville. C’est ainsi qu’au 1er janvier 2020, 35 communes en politique de la ville (environ 81 quartiers) bénéficient de la médiation en santé, hors dispositifs itinérants (RESCORDA par exemple).Les actions de médiation en santé développées en région illustrent la diversité des modalités d’intervention.Sur certains territoires, le dispositif a émergé d’une mobilisation d’habitants ou d’associations locales. Par exemple, à Saint-Fons (portage initial par l’Espace Créateur de Solidarité). Dans d’autres, ce sont des volontés politiques qui ont permis le déploiement ou la pérennisation de l’action. Ce fut le cas à Bourg-en-Bresse, à Roanne. Cela fait souvent suite à l’élaboration d’un diagnostic local de santé.Le profil des médiateurs est très varié, de formation médicale, paramédicale ou sociale, ou bien sans qualification initiale.Les structures porteuses sont diversifiées : collectivités (Roanne, Bourg-en-Bresse, Grenoble, Villeurbanne, Montélimar), associations de proximité (centre social de Vienne, Maison de quartier à Saint-Étienne), associations de prévention ou de promotion de la santé (Mutualité Française dans la Loire, ANPAA à Annonay, ADES sur la Métropole de Lyon, Ligue contre le cancer au Teil, ALS à Lyon), structures de soins (centres de soins à domicile à Saint-Rambert d’Albon, pôle de santé de Chambéry).Certains médiateurs en santé ont également un statut particulier. Par exemple les médiateurs pairs de la ville de Grenoble. D’autres ciblent un public en particulier. C’est le cas par exemple de la médiatrice en santé de Médecins du Monde Lyon qui intervient dans les squats et bidonvilles de l'agglomération de Lyon.
Le code de la santé publique garantit l’égal accès à la santé pour tous. Face aux difficultés rencontrées par les personnes les plus éloignées des offres de soins et de prévention, la médiation en santé apparait comme un outil, favorisant l’accès aux droits et aux soins des personnes vulnérables. Mais elle n’est pas une réponse unique. Elle vient en complémentarité d’autres dispositifs tels que les PASS, la PFIDASS ou encore AZALEE.La médiation en santé est aujourd’hui reconnue et soutenue par les partenaires institutionnels de la santé. Certains Programmes Régionaux d’Accès à la Prévention et aux Soins des plus démunis (PRAPS) incluent ainsi des objectifs de réduction des inégalités pouvant impliquer le recours à des médiateurs en santé. C’est cette reconnaissance institutionnelle qui amène la médiation en santé à se structurer et se professionnaliser, avec notamment la création de DU de médiation en santé (Université Paris 13).
Rédaction : Maud Aufauvre et Stéphanie Desmaisons, ADES du Rhône et de la Métropole de Lyon. Article rédigé pour la lettre Interactions Santé.