Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler sur la question du bien-être au travail ?
Notre préoccupation première est la sécurité. Dans notre unité de production, nos équipes tournent en 3/8, 24h/24, pour gérer tout le fret ferroviaire au départ ou à destination du quart sud-est de la France. En 2013, nous avons eu des signes précurseurs de consommations d'alcool et de psychotropes. Nous avons conduit une politique de sensibilisation mais nous nous sommes aperçus que la
démarche répressive ne suffisait pas.
Pourquoi ? Qu'est-ce qui a changé ?
Nous avons désormais une population hétérogène. Les plus jeunes et les anciens n'ont pas les mêmes règles et ne consomment pas de la même façon... même s'il n'y a que 10 ans d'écart. On ne peut plus faire apprendre un règlement par coeur aux jeunes agents, ceux de la génération Y, pour leur faire comprendre les risques liés à la consommation de psychotropes. En revanche ils savent mieux que les anciens aller chercher de l’information. Leur cadre de référence n’est pas celui qu’ils auront appris mais celui qu’ils auront découvert. Au départ nous devions travailler sur les psychotropes. Les discussions entre l'IREPS et les chefs d’équipes ont permis de mettre le doigt sur la question de l’appropriation des règles et des divergences générationnelles.
Quel est l'intérêt de cet accompagnement ?
Cette approche est davantage sociétale, plus centrée sur l'usage que sur les risques, de façon décomplexée, selon le postulat suivant : |
on ne peut pas décréter le "zéro absolu" car les vies professionnelles et personnelles sont très entremêlées. C'est donc la question du "pourquoi" de la consommation qu'il faut poser. Nous en sommes arrivés au constat qu’il fallait revisiter le vivre ensemble pour remettre du liant dans le collectif, travailler sur la sensibilisation individuelle de chacun aux risques qu’il fait porter à lui-même, aux autres et au collectif de travail.
Comment se déroule le dispositif ?
Nous avons eu des séances de sensibilisation auprès des managers de terrain sous l'angle de l'usage, puis des temps de travail sur le vivre ensemble. Afin d'affiner notre action, et en concertation avec le CHSCT, nous allons prochainement interroger nos agents par un questionnaire sur les conditions de travail, les espaces de vie commune, leur motivation, l'information... Une question se posera ensuite à chacun : qu’êtes-vous prêt à faire au quotidien ? Ce qui pourrait nous amener à un engagement, cosigné par tous, des règles à respecter.
Comment s'intègre cette démarche au sein de la SNCF ?
Toute la SNCF est en train de rénover son approche sécurité avec le programme "Excellence sécurité". Originellement le management de la sécurité fonctionnait de façon descendante, aujourd’hui la pyramide s’inverse, dans une logique de gestion des risques. C’est donc à nous, chefs d’établissements, de définir notre programme hygiène sécurité qualité de vie au travail. Je suis dans une logique de bien-être au travail et du comment vivre ensemble, cette démarche étant exportable à d’autres unités du même type si elle fait ses preuves.
+ d'infos sur la démarche de l'IREPS
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Dopage, conduites dopantes, quelle différence ?
Qu'est-ce que le dopage ?
Le dopage consiste, pour un sportif, au non respect des règles antidopage édictées par l’Agence Mondiale Anti-dopage (AMA) et notamment "l’utilisation, par des sportifs, de substances ou méthodes figurant sur une liste établie chaque année par AMA"(1). Ces règles sont transcrites dans le droit de chaque pays signataire de la convention de Copenhague.
Pour être inscrits sur cette liste les produits et méthodes doivent répondre à 2 des 3 critères suivants :
- Augmenter les performances
- Présenter un risque pour la santé de l’usager
- Leur usage est contraire à l’esprit sportif
Est considéré comme sportif (art L230-3 du code du sport) toute personne qui participe ou se prépare soit à une manifestation sportive organisée par une fédération sportive (agréée ou délégataire) soit à une manifestation sportive internationale. Ainsi le joggeur s’entrainant pour lui-même ne sera pas considéré comme sportif au sens du code du sport ; par contre s’il participe à une compétition organisée par une fédération sportive ce sera le cas.
Pourquoi un sportif peut-il être amené à se doper ?
Le dépassement de soi et la recherche de performance sont des éléments essentiels dans la pratique du sport de compétition. L’atteinte de la performance va répondre aux objectifs que s’est fixés le sportif en lien avec son entraîneur, mais également souvent aux attentes de sa famille et du public.
Les sportifs doivent donc mettre en œuvre un ensemble de stratégies pour améliorer ou maintenir leurs performances et pour atteindre leurs objectifs. Ces stratégies de performances reposent essentiellement sur :
- un entrainement et une préparation physique adaptés
- une préparation mentale
- des rythmes de vie adaptés (repos, alimentation, …)
Or, dans certains cas, ces stratégies de performances ne paraissent pas suffisantes par exemple pour faire face à des objectifs sportifs trop élevés, à la pression de l’entourage (sportif et ou familial), à la recherche de notoriété, aux enjeux compétitifs, aux blessures …. La tentation du recours au dopage pour « rester dans la course » peut alors être présente.
Au-delà du dopage, qu’en est-il de la consommation de produits à des fins de performance ?
L’analyse des déterminants du dopage permet de constater que ceux-ci peuvent en grande partie s’appliquer au comportement plus large de consommation de produits à des fins de performance, quels que soient l’individu et la performance concernés.
Ce comportement a été conceptualisé sous le terme de "conduites dopantes"(2) désignant la consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou ressenti par l’usager ou par son entourage dans un but de performance.
Le concept de conduites dopantes permet d’interroger plus largement la question de la consommation de produit à des fins de performance et ainsi de prendre en compte l’ensemble des déterminants du comportement :
- que cela s’inscrive dans une démarche sportive mais également dans les autres champs de la vie d’un individu
- que l’individu soit sportif ou non
- quel que soit le produit concerné
Bien que son utilisation se généralise dans différentes sphères, l’utilisation appropriée du terme dopage concerne le milieu sportif. Pour les autres milieux (professionnel, scolaire…) il convient donc de parler de conduites dopantes.
Performance et santé : une interrogation nécessaire
Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales, le dépassement de soi et la performance sont érigés comme des normes et ce dans différents domaines : se montrer bon élève, bon parent, travailleur efficace… Si cette recherche de performance individuelle est considérée comme une des composantes du progrès, les stratégies utilisées par les individus pour y parvenir peuvent présenter des risques pour leur santé.
Les adolescents sont également inscrits dans cette quête de la performance, et notamment les jeunes sportifs pour lesquels la performance sportive est un moteur. Or l’adolescence implique par ailleurs la recherche d’autonomie, l’expérimentation, la nécessaire appartenance au groupe de pairs… Les déterminants de la consommation de produit à des fins de performance vont donc être combinés aux particularités de l’adolescence.
C’est sur la base de cette réflexion que le réseau PREVDOP (3), dans la cadre de ses actions sur la prévention du dopage et des conduites dopantes, a perçu l’intérêt de pouvoir mettre au débat la question de la performance avec les publics accompagnés (jeunes sportifs de la région en structures des Parcours d’Excellence Sportive).
Les interventions proposées par le réseau, sur un mode participatif, invitent les publics à :
- questionner les pratiques ainsi que le rapport au corps et à la santé,
- identifier les facteurs de vulnérabilité et de protection,
- comprendre que la performance ne passe pas nécessairement par la prise de produits,
- prendre en compte la dimension éthique et réglementaire de la pratique sportive,
- développer l’estime de soi, la motivation et le sentiment d’auto-efficacité afin de mettre en place des stratégies adaptées.
Le travail effectué par les acteurs du réseau PREVDOP lors de ces interventions a renforcé leur conviction concernant la pertinence de s’appuyer sur les représentations (idée qu'un individu se fait d’un sujet ou d'une situation) des publics pour mener à bien les actions de prévention du dopage et des conduites dopantes.
En effet, les représentations que les individus ont d’un phénomène influencent leurs comportements. Il est donc apparu nécessaire aux membres du réseau PREVDOP de se doter d’un outil qui mobiliserait et ferait émerger ces représentations afin d'adapter des modalités d’action dans le cadre d’un programme de prévention global.
C’est ainsi que le réseau PREVDOP a créé un outil pédagogique de type photo-expression "Performance et santé" (voir encadré ci-dessous). Cet outil, qui utilise la photographie comme support d’expression, permet aux personnes de se projeter et d’ancrer les échanges sur la base de leurs connaissances et de leurs croyances.
Maud OTTAVY
Médecin conseiller DRJSCS Rhône-Alpes
1. Ministère de la santé de la jeunesse et des sports et de la vie associative.- Comment prévenir les conduites dopantes : Guide à l’attention des acteurs, 2008.
2. Patrick LAURE, Dopage et société, 2000.
3. Le réseau PREVDOP est un réseau d’acteurs rhônalpins de prévention du dopage et des conduites dopantes. ll regroupe un ensemble de professionnels (médecins, éducateurs sportifs, chargés de projets, préparateur physique, infirmières, psychologues…) de la région investis dans leurs activités respectives dans la prévention du dopage et des conduites dopantes. Il est coordonné par l’Antenne médicale de prévention du dopage, la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et l’Instance Régionale d’éducation et de promotion de la Santé.
Consulter la plaquette du réseau PREVDOP
OUTIL PEDAGOGIQUE
Performance et santé : de l'image aux mots
Les comportements liés à la recherche de performance dépendent de facteurs individuels mais également du contexte et de l'environnement des personnes. Comment mieux prendre en compte tous ces déterminants ?
Le réseau PREVDOP a édité en mai 2015 un outil pédagogique de type photoexpression pour engager un travail sur les représentations en lien avec la performance et la santé auprès de groupes de jeunes.
L'outil se compose de 68 photographies et d'un guide d'accompagnement pour savoir organiser les séances et bénéficier de repères théoriques ainsi que d'une sélection bibliographiques et des lieux ressources.
Outil en prêt à l'IREPS Rhône-Alpes, à l'ADESSA et à l'ADES du Rhône. |
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