Quel a été le contexte de création du CLS ?
Ce CLS est le premier à avoir été signé en Auvergne, en mars 2012. Un diagnostic de territoire avait en effet mis en avant des indicateurs sociaux et de santé plus défavorables que dans le reste de la région tels qu'une population vieillissante, une forte proportion de familles monoparentales, une précarité prononcée ou encore un taux de mortalité prématuré supérieur à la moyenne nationale (diabète, tumeurs, hypertensions artérielles).
Des entretiens collectifs et individuels ont également fait remonter des problématiques liées aux violences, aux addictions, au surpoids ou à la souffrance psychologique. Le Centre Hospitalier de Thiers a donc accepté de gérer la coordination de ce Contrat Local de Santé.
Quel territoire ce CLS couvre t-il ?
Est-ce un bénéfice ou un handicap ?
Le périmètre actuel du CLS est calé sur le Pays de la Vallée de la Dore qui regroupe 3 communautés de communes. Cela représente
90 000 habitants avec un territoire rural et deux pôles urbains, de 12 000 habitants pour Thiers et 7 000 pour Ambert. Je considère que c'est plutôt un avantage car nous pouvons mener une dynamique de rapprochement de ces deux territoires mitoyens, en bénéficiant d'une direction commune des deux hôpitaux de Thiers et Ambert.
Dans le cadre du CLS, nous avons par exemple mis en place un point diabète à l'hôpital de Thiers, avec de nombreux acteurs, dont les trois CHU auvergnats, ce qui permet désormais une prise en charge de proximité des patients diabétiques avec une amélioration des parcours de soin notamment dans la mise en œuvre d'un réseau ville-hôpital.
Outre cette dynamique générale, nous mettons également en place des actions plus locales, selon les besoins repérés. |
Quel est globalement le bénéfice
d'avoir un CLS ?
Le CLS permet d'agir sur des problèmes ciblés avec des acteurs volontaires pour contribuer à améliorer l'état de santé des populations.
Pour créer cette dynamique de santé au sens large, je recherche le maillage du territoire en mobilisant de nombreux acteurs : pas uniquement ceux de la santé mais aussi les élus ou les collectivités. Je travaille aussi beaucoup avec la presse locale. Le CLS impulse des actions nouvelles mais valorise aussi les actions existantes, consolide le partenariat local. Cela contribue à mener une stratégie de lutte contre la désertification médicale afin de rendre plus attractif notre territoire à dominante rurale.
Quelles recommandations feriez-vous
pour un territoire souhaitant s'équiper
d'un CLS ?
Je conseille d'identifier au préalable les besoins en réalisant un diagnostic partagé avec les professionnels de santé, les élus, les acteurs du social et medico-social, les professionnels de l’insertion, les associations et les habitants dans la mesure du possible.
Il s'agit aussi d'identifier les personnes sur lesquelles on peut s'appuyer, tels qu'un élu référent santé par communauté de communes et un professionnel ou bénévole référent santé dans chaque institution.
Il faut impliquer les collectivités et sensibiliser les élus au fait que la santé ne se réduit pas au soin et au sanitaire, qu'elle recouvre tout ce qui contribue au mieux-être des populations en abordant par exemple la mobilité ou l’habitat.
Enfin je conseille de pouvoir créer un poste de coordinateur territorial santé qui est sur le terrain et qui fait le lien entre les besoins identifiés et l'ARS, mobilise les acteurs locaux dans la mise en place d'actions concrètes au bénéfice des populations, avec une vision transversale de toutes les actions santé. Il est aussi un appui de proximité pour les porteurs de projet (méthodologie, recherche de financements, identification des partenaires).
Plus d'infos sur le CLS de Thiers-Ambert
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La population des personnes âgées ne cesse de croître et a atteint 8,5% de la population rhônalpine en 2007. D’après une étude réalisée par l’Observatoire Régional de Santé Rhône-Alpes, 90% des plus de 75 ans vivent à leur domicile et une personne sur deux au-delà de 80 ans vit seule (1). Si l’entourage familial constitue encore un soutien important, il n’en demeure pas moins que de nombreuses personnes âgées ont recours à des aides à domicile.
La population âgée est de manière générale en situation de vulnérabilité, compte tenu des effets du vieillissement, avec des risques de chute, de syndrome dépressif, de dénutrition. Parmi ces trois risques, la dénutrition concerne 4 à 10% des personnes âgées vivant à domicile (2). La dénutrition est définie comme un "état pathologique dans lequel les besoins en énergie ou en protéines de l'organisme ne sont pas couverts"(3). Les facteurs de risque de cette maladie ne sont pas uniquement d’ordre alimentaire : isolement, deuil, difficulté financière, troubles bucco dentaires…(4). Lorsqu’elle est avérée, la dénutrition peut engendrer fatigue, déficit immunitaire, infections…. Prévenir et repérer cette pathologie constitue un enjeu de santé important pour le maintien de l’autonomie et la qualité de vie de la personne âgée.
Sur la base de ces éléments et avec le soutien de l’ARS, l’IREPS Auvergne-Rhône-Alpes, l'ADES du Rhône et l'ADESSA ont développé un projet de promotion de la santé visant la prévention de la dénutrition des personnes âgées vivant à domicile.
Un projet qui débute par une enquête…
Une enquête régionale a été menée en 2012 auprès de 200 professionnels et d’une quarantaine de structures intervenant auprès des personnes âgées (Conseils départementaux, Centres Communaux d’Action Sociale, Aide à Domicile en Milieu Rural…) afin d’identifier les pratiques des professionnels de l’aide à domicile (5).
Les résultats de cette enquête montrent qu’il n’existe pas de veille permanente ni de procédure d’alerte, en cas de repérage de signes de la dénutrition chez les personnes âgées à domicile. De plus le manque d’information, de formation et d’outils sur la prévention et le repérage de la dénutrition des personnes âgées sont des constats partagés par la quasi-totalité des structures interrogées.
Les analyses issues de cette enquête ont ainsi conduit à mener un ensemble d’actions auprès des acteurs gravitant autour de la personne âgée et notamment auprès des aides à domicile.
Sensibiliser, former, outiller
Le projet se décline en trois axes :
• Le développement d’une dynamique territoriale incluant les structures d’aide à domicile, des centres de soins infirmiers mais également des centres sociaux, des antennes du conseil départemental, des CCAS...
• La sensibilisation des responsables de structures intervenant à domicile puis la formation du personnel.
• La réalisation et la mise en place d’un outil à destination des intervenants à domicile (voir encadré plus bas).
A ce jour, une soixantaine de structures intervenant au domicile de personnes âgées ont déjà participé à ce projet. La majorité des stuctures accompagnées sont des structures d'aide à domicile.
Les aides à domicile : un métier à reconnaître et valoriser
Ce projet se confronte à des difficultés inhérentes aux métiers d’aide à domicile :
Un métier d’amélioration du quotidien
Le rôle de l’aide à domicile est de favoriser le maintien à domicile en accompagnant la personne âgée dans les tâches de la vie quotidienne. Elle doit travailler en s’ajustant à l’évolution de la santé de la personne âgée, aux spécificités du domicile de la personne âgée qui n’est pas toujours adapté et en tenant compte de l’intervention de différents acteurs (famille ou soignant)(6).
Grâce à ses observations et à la relation de confiance qu’elle a pu tisser avec la personne âgée, l’aide à domicile parvient à atténuer ces situations compliquées en développant des stratégies pour améliorer le quotidien des personnes accompagnées.
Une aide à domicile, en évoquant son métier, ajoute qu’au delà des tâches prescrites, il s’agit aussi dans certains cas d’apporter “compagnie, attention et écoute”.
Un travail parfois peu reconnu
Le métier d’aide à domicile est parfois cantonné par les proches de la personne à celui de “femme de ménage”. Or, à la lecture de profils de poste, les missions s’étendent bien à la contribution au maintien du lien social et à l’accompagnement des personnes dans les actes de la vie quotidienne : aide à la toilette, soutien de la personne dans ses déplacements, préparation des repas, aide dans la prise de repas et hydratation de la personne, courses…(7). Ces missions soulignent le rôle que peuvent jouer les aides à domicile dans la prévention et le repérage de la dénutrition, en insistant sur les déterminants de la dénutrition (vie sociale, activité physique, situation financière…).
Un sentiment de solitude
Si l’aide à domicile peut jouer un rôle dans la prévention de la dénutrition, ce rôle doit être soutenu par la structure employeuse. Il convient de prêter attention à ne pas faire peser sur l’aide à domicile une responsabilité qu’elle ne peut et n’a pas à tenir. Or les aides à domicile peuvent se sentir livrées à elles-mêmes, exprimant une “solitude sur le terrain” et un sentiment "d’électron libre". Ce sentiment d’isolement, partagé au sein de la profession (8) est souvent renforcé par des liens distendus, voire inexistants, avec les autres professionnels du domicile (infirmières, aides à domicile, médecin, kiné…).
En conclusion
Ce projet a permis de renforcer les aptitudes individuelles des intervenants à domicile (notamment les aides à domicile) et de faire prendre conscience aux différents professionnels concernés de leur rôle dans la prévention de la dénutrition. Cette intention nécessite toutefois davantage de coordination de l’ensemble des acteurs accompagnant la personne âgée : les familles ou les proches, les médecins, les clubs pour aînés, les CCAS… Compte tenu de l’évolution démographique, se préoccuper de cette question constitue un réel enjeu pour la qualité de vie et le maintien à domicile des personnes âgées dans les meilleures conditions.
CONTACT REGIONAL
Astride JUNET
Chargée de projets IREPS Auvergne-Rhône-Alpes
"DeniZ"
Outil de prévention de la dénutrition des personnes âgées vivant à domicile
L’outil intitulé "DeniZ" (DENutrition & GourmandIZ) a été élaboré pour mieux prévenir et repérer la dénutrition des personnes âgées vivant à domicile.
Il est constitué :
• D'un livret de prévention, à destination des intervenants à domicile. Il est est composé de fiches pratiques permettant d’améliorer le quotidien des personnes âgées.
• D'un guide d’accompagnement pour des structures souhaitant s’inscrire dans une démarche de prévention de la dénutrition, avec l’accompagnement d’un chargé de projets de l’IREPS ARA ou de l’ADES 69 ou de l’ADESSA.
L’outil a été testé entre mars et septembre 2016 et va être utilisé très prochainement sur les territoires qui ont investis le projet dans sa globalité.
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1. Etat des lieux préalable à l’élaboration du plan stratégique régional de santé Rhône-Alpes, ORS Rhône-Alpes, mars 2011.
2. Nutrition in the elderly in Europe, EURONUT-SENECA (dernières études disponibles sur le sujet).
3. Larousse, 2015.
4. Stratégies de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée, Recommandations professionnelles, La Haute Autorité de Santé, avril 2007.
5. Etude sur les pratiques en matière de prévention, repérage et prise en charge de la dénutrition des personnes âgées vivant à domicile en Rhône Alpes, IREPS Rhône Alpes, ADES et ADESSA 2012.
6. Dossier "Prendre soin des aides à domicile", Vincent Stéphane, Santé et travail, n°89, janvier 2015.
7. Fiche de poste Aide à domicile, Centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Gironde.
8. “Les recompositions du travail d’aide à domicile en France”, dossier " le développement de l’aide à la personne, quelle professionnalisation", Emmanuelle Lada, Revue Française de Sciences Sociales “Formation Emploi”, juillet/septembre 2011.
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