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imageInteractions Santé - Juin 2023



" A l’école, la santé n’est pas un sujet qui intéresse les parents."

Comment mieux impliquer les parents dans la scolarité mais aussi dans le bien-être et la santé de leurs enfants ? Comment rendre les messages accessibles à tous ?

A l’école maternelle et élémentaire de St Vincent de Paul, dans le quartier du Soleil à St-Etienne, toute l’équipe s’est mobilisée pour imaginer une soirée de rentrée pour les familles, avec des modalités originales. Organisation, logistique, tout a été réfléchi sous l’angle de la mise en lien et des conditions permettant l’appropriation des informations.
Une belle façon de faire de la littératie sans la nommer !

Entretien avec Stéphanie DIAF,
directrice de l’Ecole Saint-Vincent de Paul à Saint-Etienne.


Qu’est-ce qui vous conduit à inventer une nouvelle façon de rencontrer les parents en début d’année scolaire ? 

Notre objectif était de répondre à la problématique de l'implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, non seulement au niveau de l'école, mais aussi au niveau du territoire.

Nous avions fait le constat que, même dans le parc situé juste à côté, les parents n’appliquaient déjà plus auprès de leurs enfants les règles de comportement et de vivre ensemble que nous demandons de respecter au sein de l’école. Ce sont des codes qu’ils n’arrivent pas à reproduire en dehors du cadre scolaire.

Il y avait aussi le besoin que les parents s’intéressent davantage à la scolarité de leurs enfants. Nous sommes sur un quartier où il est difficile de faire venir les familles à l’école, soit parce qu’elles en ont une expérience douloureuse soit parce qu'elles sont trop éloignées du système scolaire.  

Jusqu’ici, très peu de parents venaient aux réunions de rentrée organisées dans les classes par les enseignants. L’équipe vivait d’ailleurs assez douloureusement cette situation. Pour y remédier, nous avons rendu cette réunion obligatoire. Certes nous avons obtenu 80 % de participation mais comme nous étions contraints à rabâcher toujours les mêmes informations, beaucoup de parents qui connaissaient déjà l’école partaient après la première demi-heure.

Notre questionnement était donc le suivant : comment faire pour « fidéliser » les parents et leur permettre d'avoir toutes les informations dont ils ont besoin ?   Notre volonté était de créer une relation de confiance avec les parents, de les inciter à travailler avec nous. Car c’est comme cela que nous pourrons aider les enfants, qui pour une bonne partie sont en difficulté, avec notamment la barrière de la langue.

Quelles modalités avez-vous imaginées pour faire venir les parents et favoriser cette mise en lien ?

L’idée générale était de faire venir les familles en leur proposant un format différent, une soirée conviviale et ludique leur permettant surtout de choisir elles-mêmes les informations dont elles ont besoin.

Il y avait donc un espace au centre de la cour, pour boire un verre et discuter à partir de 18 heures. Toute l'équipe était banalisée avec un tee-shirt rouge, afin de permettre aux parents de nous reconnaître et de favoriser la mise en relation. Les photos de tous les interlocuteurs de l’école étaient affichées, ainsi que celles des nouveaux élèves.

Ensuite les parents pouvaient se rendre dans différents stands thématiques : « Pour bien apprendre à l’école, les bons réflexes à la maison »,  « Vie de l’école : une école qui bouge », « Ensemble pour la réussite de vos enfants », « Saint Vincent de Paul : Mode d’emploi », etc. Cela permettait de parler des activités de l'année et d’aborder différents sujets tels que la cantine, l’administratif et le fonctionnement de l’ENT, l’aide aux enfants en difficulté, le rôle de l’association des parents d’élèves, la santé… Nous souhaitions surtout que ces stands puissent susciter des échanges et des questions tout en constituant un moment interactif et ludique. Nous avions notamment une roue que nous faisions tourner : si la roue s’arrêtait sur “cantine”, par exemple, la personne en charge de la restauration scolaire demandait aux parents : « savez-vous comment on s’inscrit à la cantine ? » Ce principe de stands, permettant de s’informer tout en faisant des petits jeux, a beaucoup plu aux familles.

Nous avons aussi fait venir des intervenants extérieurs : la maison de quartier, qui s'occupe des enfants le mercredi, le centre social qui gère l'accueil périscolaire, l’association Soleil Solidaire qui propose de l’aide aux devoirs et parfois des spectacles. Ils ont pu faire connaître leurs services à des familles qui, parfois n'osent pas aller se renseigner. L’idée était vraiment de permettre aux familles de connaître l’école mais aussi le quartier, l'environnement de l'école. Il s’agissait de faire connaissance et de tisser des liens entre nous, pour les nouvelles familles mais aussi pour celles que nous connaissons depuis longtemps.

La soirée se composait de différents espaces mais aussi de différentes séquences, signalées par une sonnerie. Les parents ont ainsi également été invités, pour un temps banalisé, à se rendre dans les classes pour que la maîtresse puisse leur expliquer le travail et le fonctionnement de l’année.

Un autre élément a été déterminant : nous avons organisé une garderie pour les enfants, ce qui a permis à tout le monde de venir. Les parents ont pu prendre le temps de rester, d’écouter, de discuter, de profiter de ce moment convivial. Et les explications dans les classes pouvaient se faire dans le calme. Je pense même que cette garderie est une des clés de la réussite de cette soirée. 

Le succès a-t-il été au rendez-vous ?

Nous avons eu une très forte affluence, puisque sur l'ensemble de l'école, sur les 115 familles, seules 3 ne sont pas venues ! C’était donc un vrai changement. Et de nombreux parents, qui habituellement partaient au bout d'une demi-heure à nos réunions de classe, sont même restés assez tard.  

C'était donc une belle réussite, parents, enseignants et intervenants, tous étaient ravis ! C’était un moment agréable et convivial pour débuter l'année qui a bien permis d’intégrer les nouvelles familles et de renforcer les liens avec tous les parents. Nous avions des doutes au départ, mais au final cette soirée a pleinement rempli nos objectifs. 

Comment avez-vous abordé les sujets de santé avec les parents ?

Nous percevons bien, tout au long de l'année à l'école, que la santé n’est pas un sujet qui intéresse les parents. Avec l’aide de l’IREPS, nous avons beaucoup réfléchi à la façon d’aborder le sujet. Si nous avions appelé notre stand “la santé à l'école”, comme nous l’avions envisagé au départ, les parents ne seraient pas venus sur ce stand ! Nous avons donc cherché des titres plus accrocheurs et qui impliquent davantage les parents, par exemple : ” comment je peux aider mon enfant pour qu'il soit dans de bonnes conditions à l'école ?”

Et ces stands ont cartonné ! Il y avait sans cesse du monde, des parents qui posaient des questions, qui s'intéressaient. En termes de modalités, ils piochaient des cartes et devaient répondre à des questions de type “ Est-il impératif que votre enfant se couche tôt le soir ?” Cela a suscité des discussions, des questionnements, parfois même des débats au sein des couples !

Sur la base de ces échanges vraiment très riches, autour de l’alimentation ou du sommeil, nous avons créé un panneau, désormais affiché à l'entrée de la maternelle : qu’est-il important de faire pour que notre enfant, quand il arrive le matin, soit dans de bonnes conditions pour travailler ? Se coucher tôt, bien déjeuner, faire sa toilette le matin, ne pas courir... Tout cela, ce sont leurs idées, ce sont eux qui ont fait ce panneau ! Donc l'implication des familles dans la scolarité de leur enfant était ici bien présente. 

Pensez-vous organiser le même type de soirée l’année prochaine ?

Une fois l’enthousiasme passé, nous nous sommes vite posé la question suivante : c'était vraiment bien, à refaire l’année prochaine, mais que faire de nouveau ? Comment ne pas retomber dans un schéma consistant à redonner à chaque fois les mêmes informations aux parents, comme on le faisait auparavant ? 

Pour l’année prochaine nous avons déjà des idées de stands sur des projets développés dans les classes ou sur le futur pass culture. Ou encore des ateliers pour que les parents nous donnent leurs propres idées sur un sujet spécifique, le sommeil par exemple, pour monter une exposition qui sera présentée à toutes les familles en cours d’année.

Nous avons bien sûr toujours un socle d’informations à transmettre sur l’organisation de l’école, en particulier pour les nouvelles familles. Mais les parents attendent de la nouveauté, c’est ce qui les fera revenir.

Au quotidien, avez-vous des astuces pour faire passer des messages aux parents et pour qu’ils soient davantage impliqués ?

Tout au long de l'année, le lien avec les parents est compliqué. Grâce à l’ENT, nos messages sont envoyés sur le téléphone portable des parents, et pas seulement sur une boîte mail qu’ils ne consultent pas toujours. Cela fonctionne bien. Et surtout tous nos messages sont écrits mais aussi vocaux. Dans notre quartier défavorisé avec des familles qui parlent français mais qui ne le lisent pas toujours, cela permet aux parents qui ont des difficultés avec l’écrit de pouvoir entendre nos messages. Mais le numérique a toutefois des limites et des effets pervers, il ne nous garantit pas que les parents ont bien pris connaissance de l’information. C’est pourquoi nous allons réutiliser en parallèle, l’année prochaine, les cahiers de liaison.

Nous avons également des tableaux d’affichage dans la cour : nous y mettons des informations sur l’école mais aussi sur tout ce qui est aux alentours de l'école : « ce week-end, c’est la fête de la fourme, allez-y avec vos enfants ! ». C’est une façon de leur faire des propositions en matières de sorties et d'activités. 

Et comment maintenir la dynamique de cet événement sur le long terme ? 

Il est difficile de maintenir la dynamique sur la durée. Il faudra peut-être imaginer une autre journée en cours d'année. Mais nous, au quotidien, nous essayons d'être au plus proche des parents, de cultiver la relation de confiance en continu. Chaque enseignant a un vrai rôle social pour inciter les parents à venir vers nous, pour les impliquer tout au long de l'année, en les recevant individuellement en cours d’année.

Et en maternelle, nous invitons régulièrement les parents pour leur montrer des petits jeux qu’ils peuvent faire avec leurs enfants à la maison: compter les fruits, lire les étiquettes… Cela permet aux parents de s’impliquer de façon ludique dans la scolarité de leurs enfants, autour de la lecture et du calcul, sans que cela se résume aux devoirs du soir qui peuvent être fastidieux.

Mais notre objectif de l’année prochaine sera de travailler avec l’aide de l’IREPS sur les compétences psychosociales, de se former en équipe sur le sujet et de mettre en place de nouveaux projets qui favorisent les apprentissages.

Le panneau réalisé sur la base des idées des parents

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Propos recueillis par Anne Demotz, IREPS ARA.
Entretien réalisé pour la lettre Interactions Santé,  IREPS ARA, juin 2023.

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